Faut-il investir dans les obligations d’État à long terme en période d’inflation persistante ?

Faut-il investir dans les obligations d’État à long terme en période d’inflation persistante ?

Investir dans les obligations d’État en période d’inflation : quelles implications ?

Les obligations d’État à long terme ont longtemps été perçues comme un outil de placement stable, prisé des investisseurs prudents, des caisses de retraite et des gestionnaires de patrimoine. Cependant, dans un contexte économique marqué par une inflation persistante, cette classe d’actifs soulève de nouvelles interrogations. Est-il toujours judicieux de s’exposer à la dette souveraine quand le pouvoir d’achat de la monnaie se dégrade ?

Dans cet article, nous analysons les avantages, les risques et les stratégies possibles liés à l’investissement dans les obligations d’État à long terme en période d’inflation soutenue. Nous examinerons également les alternatives potentielles pour diversifier un portefeuille sans compromettre ses objectifs de sécurité et de rendement.

Comprendre le fonctionnement des obligations d’État à long terme

Les obligations d’État sont des titres de créance émis par les gouvernements pour financer leurs déficits budgétaires. Quand il s’agit d’obligations à long terme, la maturité dépasse généralement les 10 ans, et peut aller jusqu’à 30 ans, voire plus pour certaines émissions exceptionnelles.

Les principales caractéristiques des obligations d’État incluent :

  • Le taux nominal : le taux d’intérêt fixe (ou parfois variable) versé régulièrement aux détenteurs, appelé le coupon.
  • La durée de maturité : la période pendant laquelle l’investisseur prête de l’argent à l’État.
  • La sécurité perçue : les obligations d’État sont souvent considérées comme peu risquées en raison du pouvoir régalien des États émetteurs à lever l’impôt ou à émettre de la monnaie.

En temps normal, elles représentent un socle stable dans une allocation d’actifs. Mais que se passe-t-il lorsque l’inflation s’installe durablement ?

Inflation persistante : un impact direct sur la rentabilité réelle

L’un des principaux risques des obligations à long terme est leur sensibilité à l’inflation. Car plus l’inflation est élevée, plus la valeur réelle des flux monétaires futurs (coupons et remboursement du capital) diminue.

Lorsque le taux d’inflation dépasse le rendement nominal de l’obligation, le rendement réel devient négatif. En d’autres termes, l’investisseur s’appauvrit en termes de pouvoir d’achat. Par conséquent, dans un environnement inflationniste :

  • Le prix de marché des obligations baisse car les investisseurs exigent des rendements plus élevés (ce qui fait augmenter les taux et donc baisser les prix des obligations existantes).
  • La volatilité des taux devient un enjeu important : les obligations longues sont plus sensibles aux variations de taux que les obligations à court terme. C’est ce qu’on appelle la duration.
  • La corrélation avec les actions peut changer, mettant à mal les stratégies traditionnelles de diversification entre actions et obligations.

Ainsi, pour les investisseurs recherchant une préservation du capital réel à long terme, les obligations traditionnelles à taux fixe peuvent perdre de leur attrait.

Quelle stratégie adopter face à l’inflation ?

Malgré ces risques, il est possible de construire un portefeuille obligataire adapté à un environnement inflationniste. Voici quelques approches à considérer :

Opter pour des obligations indexées sur l’inflation

Les obligations indexées sur l’inflation, comme les OATi ou OAT€i en France, ou les TIPS (Treasury Inflation-Protected Securities) aux États-Unis, ajustent leur valeur nominale et les coupons versés en fonction de l’indice des prix à la consommation. Elles représentent une protection directe contre l’inflation et limitent l’érosion de la valeur réelle de l’investissement.

Réduire la duration du portefeuille obligataire

Les obligations court terme sont moins sensibles aux hausses de taux d’intérêt. Réduire la duration moyenne du portefeuille permet ainsi de limiter les pertes en capital en période de remontée des taux induite par une inflation croissante.

Diversifier avec d’autres actifs financiers

L’intégration d’actifs réels ou d’actions de sociétés capables de répercuter l’inflation sur leurs prix (comme les entreprises de l’énergie ou de la consommation de base) peut également aider à amortir les effets de l’inflation sur votre portefeuille global.

Perspectives économiques : quelles anticipations pour les taux d’intérêt ?

L’un des moteurs clés influençant le cours des obligations est l’évolution des taux directeurs décidés par les banques centrales. En période d’inflation persistante, celles-ci adoptent des politiques monétaires restrictives, en relevant les taux afin de contenir les hausses de prix.

Ce contexte entraîne :

  • Une baisse de la valeur des obligations en portefeuille en raison de la hausse des rendements exigés par les investisseurs.
  • Un repositionnement vers les nouvelles émissions obligataires offrant des taux plus attractifs.
  • Un renforcement de la sélectivité dans la qualité de la dette souveraine, notamment à l’international.

Anticiper correctement les mouvements de taux est un exercice complexe. C’est pourquoi il est crucial de tenir compte non seulement de l’inflation actuelle, mais aussi des anticipations futures intégrées dans la courbe des taux.

Quel profil d’investisseur pour investir dans les obligations à long terme aujourd’hui ?

Malgré les enjeux décrits, les obligations d’État à long terme ne doivent pas être systématiquement écartées. Elles peuvent continuer à jouer un rôle, sous certaines conditions, dans une stratégie de placement à long terme. Elles conviennent mieux :

  • Aux investisseurs aversion au risque, conscients de leur faible tolérance à la volatilité des marchés actions.
  • Aux portefeuilles diversifiés à long horizon, où les obligations peuvent contrebalancer les pertes potentielles liées à d’autres classes d’actifs.
  • Aux gestionnaires favorisant une stratégie de “buy and hold”, moins concernés par la valeur de marché à court terme que par les revenus réguliers des coupons.

Il est cependant recommandé d’accompagner ces investissements d’un suivi actif de la conjoncture macroéconomique, notamment l’évolution des taux réels, des prix à la consommation et des politiques monétaires des banques centrales.

Investir via des produits financiers adaptés

Si vous souhaitez vous exposer aux obligations d’État tout en restant flexible, plusieurs instruments sont disponibles :

  • Fonds obligataires gérés activement, ajustant la duration et les secteurs géographiques selon les anticipations de marché.
  • ETF obligataires permettant une exposition liquide et peu coûteuse à différents segments de la dette souveraine.
  • Assurance-vie en euros, intégrant des obligations d’État dans leur actif général, tout en offrant une certaine protection du capital.

Ces véhicules d’investissement permettent de mieux contrôler le risque, tout en profitant éventuellement d’une remontée future des taux entérinant un retour à une inflation plus contenue.

Un arbitrage délicat entre sécurité et rentabilité

Investir dans les obligations d’État à long terme en période d’inflation persistante implique de faire des compromis. Leur sécurité perçue peut s’éroder dans un contexte de perte du pouvoir d’achat. Les rendements réels risquent de rester négatifs tant que la hausse des prix dépasse les intérêts servis.

Cependant, avec une stratégie adaptée, incluant des titres indexés sur l’inflation, une gestion de duration modérée et une allocation diversifiée, ces produits peuvent continuer à représenter un outil utile dans une stratégie patrimoniale.

Comme toujours, un conseil personnalisé auprès d’un professionnel de la gestion de patrimoine ou d’un conseiller financier demeure essentiel pour adapter vos placements à vos objectifs de rendement, de sécurité et de fiscalité.